Skipper Powered by Skipperblogs

Wight is Wight

A terre

 

Tout le monde a en tête cette chanson de Michel Delpech, écrite en 1969. Elle fait référence au festival des années 60 qui rassemblait chaque été sur l'île les rois de la pop: Bob Dylan, Joan Baez, Jimi Hendrix…Pourtant, l'île de Wight reste méconnue des Français qui prisent rarement l'Angleterre pour leurs vacances d'été. 

Si le climat ressemble la majorité du temps au crachin breton d'un mois de novembre, nous avons été chanceux de bénéficier d'un soleil radieux. Paraît-il qu'il en est ainsi depuis le printemps. Pour peu que le taux d'ensoleillement ait été constant, je me serais bien vu poser mes valises ici!

 

Le temple de la voile

 

Lorsque nous avons planifié les régions dans lesquelles nous souhaitions séjourner quelques temps outre-Manche, l'île de Wight est apparue en tête de liste. Je n'associais l'île qu'à un mot: “Cowes”. La régate Cowes-Dinard est une course annuelle dont j'ai beaucoup entendu parler tandis que je m'entraînais à la régate au Havre sur J80. Je ne sais si la réputation des pubs précédait celle de la voile, mais les deux n'ont cessé de forger mon imaginaire. Pas de doute, le nautisme sportif et touristique a trouvé son paradis. Il n'y a qu'à voir les nombreux bateaux navigant dans le Solent - le bras de mer qui sépare l'île du Royaume - pour ressentir cette atmosphère particulière propre au “yachting à l'anglaise”. Il y règne une élégance certaine sur l'eau: embarcations joliment profilées, bateaux de course racés, ponts en tecks d'un bois noble et voiles de régate dernière génération, les Anglais ont du style et ne le cachent pas! Arborant de généreux drapeaux du Red Ensign à la poupe de leurs voiliers, la fierté d'être britannique se lie sur les hampes des navires. Tout comme un respect mutuel se dessine quand nous échangeons un signe de tête lorsque nous nous croisons sur l'eau. 

 

Que des voiles à l'horizon dans le Solent!

 

Naviguer dans les vents et courants du Solent est une excellente occasion de réviser les règles de priorité du RIPAM (Réglement International pour Prévenir les Abordages en Mer), couramment appelées “privilèges” dans le langage courtois du nautisme: les bateaux tribord amure ont priorité sur les bateaux navigant babord amure, et les bateaux sous le vent ont la priorité sur les bateaux au vent. La voile a priorité sur les navires à moteur, bien que le doute subsiste face à d'imposants ferries dont nous nous écartons prudemment. Nous le sentons: il faut être prêt à manoeuvrer, et vite!

 

Paré à virer?

 

Il n'y a qu'à arriver dans la Medina, la plus grande rivière de l'île dont l'embouchure est signalée par un château néogothique abritant l'un des chics yachts clubs de la côte pour comprendre dans quel pays nous atterrissons. Cowes accueille trois marinas dédiées aux événements sportifs locaux et internationaux (la Solitaire du Figaro y fait souvent escale), aux bateaux visiteurs et aux navires britanniques: en arrivant, on ne sait plus où se donner de la tête! La période estivale en décidera pour nous: toutes les places de port sont réservées depuis plus d'une semaine, il nous faudra donc batailler pour trouver un ponton auquel nous amarrer. Nous changerons vite de stratégie au fil des jours: mieux vaut arriver avant midi dans les marinas car bien que les Anglais soient fort aimables à la VHF, c'est bien le “First arrived, first served” qui prime pour obtenir une place sans réservation.

 

L'île de diamant: lieu de villégiature de la Reine Victoria

 

Entre 1841 et 1901, la reine Victoria passa trois à quatre mois de l'année dans la résidence qu'elle se fit construire sur l'île: l'Osbourne House, dont nous avons admiré le style italien de la mer.  On la comprend: l'île concentre une diversité de paysages, de villages et de stations balnéaires, entre mer et campagne. 

 

Freshwater Bay
Balade dans les meadows, entre Freshwater et les Needles
Le charmant village de Yalmouth

 

D'une superficie totale de 381 km2 pour 141 000 habitants, l'île de Wight est un petit pays à elle toute seule. En comparaison, Belle-île concentre 5400 habitants, pour 85 km2. Nous avons compris après une première balade infructueuse pour faire le tour de l'île à vélo que celle-ci ne se laisserait pas enrouler le temps d'un après-midi par nos coups de pédale pourtant forcenés: non, nous ne sommes ni à Groix, ni à l'île d'Yeu, ni à Ré, c'est bien motorisés qu'il faut partir à la découverte des joyaux de l'île. 

Heureusement, le réseau de bus est performant et permet de découvrir la campagne anglaise. Attirés par les toits de chaume, nous avons fait la tournée des villages tout aussi “lovely” les uns que les autres, ainsi que des nombreuses baies éclairées de lumineuses falaises de calcaire. Les coastal paths offrent l'occasion de randonner aisément tout autour de l'île, ce que nous n'avons pas manqué de faire pour admirer des paysages plus reculés, ainsi que les prairies vallonnées, surplombant l'île et la mer d'huile bleue qui l'entoure.

 

Lovely!

 

St Agnes Church: lovely 2!
On a trouvé un cottage à acheter! Lovely 3!
En plus, on aurait des voisins sympas! Lovely 4!

 

Bien sûr, les pubs et autres tavernes nous ont pris entre leurs filets: nous n'allions tout de même pas quitter l'île sans faire honneur au généreux Fish&Chips!

Le Fish'n'chips, c'est du sérieux!

 

Vivre en équipage, une aventure en soi

 

En nous arrêtant à la East Cowes Marina, nous avons admiré le long des pontons (pontoons dit pontouuuuns) de belles embarcations en bois et d'impressionnantes bêtes de course. Clin d'oeil à mon histoire personnelle*, mon regard fut attiré par la coque bleu turquoise d'un monocoque amarré juste en face d'Amorgos. Un logo m'a tout de suite parlé: Ellen Mac Arthur Cancer Trust. 

 

 

Nous nous trouvions juste en face de l'embarcation qui emmène régulièrement des enfants en rémission de cancer sur l'eau. "C'est quand le cancer se termine que notre job commence", affiche clairement l'association dont les locaux sont situés juste en face de la marina. Son but? Reconstruire la confiance en la vie d'enfants malmenés par la maladie. Leur faire prendre conscience qu'un avenir est possible, et qu'ils en sont les artisans. Ce sont plus de 2500 enfants en rémission de cancer qui ont bénéficié des programmes de cette association. Impressionnée par le parcours d'Ellen Mac Arthur, arrivée 2ème au Vendée Globe en 2001, je suis restée songeuse face à cette fondation dont les activités pourraient me donner quelques sources d'inspiration pour le retour (j'ai d'ailleurs découvert que l'association brestoise “A chacun son cap, jetons la maladie par dessus bord” organisait des activités relativement similaire en terre gaulloise…). Comme le dit si bien Ellen Mac Arthur sur sa page web: “la voile, on s'en fout, ce qui compte, c'est ce qu'il se passe à bord.” 

J'adhère totalement à sa posture. Le pouvoir thérapeutique de la voile et de l'eau a été maintes fois éprouvé: il n'y a qu'à voir le Bel Espoir du Père Jaouen** ancré à l'Aber'Wrach: de magnifiques aventures humaines se sont déroulées à son bord, rassemblant des écorchés vifs en quête de reconstruction personnelle.  Et la reconstruction, souvent, ça passe par les autres!

Personnellement, j'aime la voile car évoluer sur un panorama bleu à 360° m'apaise. Comme toute expérience en milieu isolé, voire inhospitalier: c'est là qu'il se passe quelque chose entre les matelots du bord. Qu'y a-t-il de plus intime que de partager pendant 2 semaines un espace exigu, où chaque caractère et chaque habitude se révèle au gré des navigations et conditions plus ou moins clémentes? J'aime ces environnements dans lesquels on ne triche pas, on parle vrai, on vit quelque chose en commun. Si la perspective de se retrouver “enfermé” à bord d'un voilier avec des étrangers pourrait en angoisser plus d'un, c'est pour moi une source de liberté, où il est question d'amitié et de solidarité. En mer, on s'oublie un peu: on prend soin des autres, on s'entraide, on se relaie, et l'intensité sensorielle de la navigation à la voile fait le reste: le vent, le soleil, les vagues, tous les éléments qui nous entourent, sont une invitation à plonger dans l'instant présent.

 

Chaque matin, c'est le réveil dans le Grand Bleu, les cheveux dans le vent!

 

*La nuit noire a volé les étoiles

** Démerdez-vous pour être heureux, Père Jaouen, Ed. Glénat

VOUS AIMEREZ AUSSI

0 Commentaire(s)

Laisser un commentaire

A propos

Un an, un couple, un voilier