Sérendi…quoi?
Sérendipité! Grâce à Marine, notre intervieweuse de choc, nous apprenons un nouveau mot, qui nous permettra de briller à notre prochain dîner mondain. La sérendipité est un anglicisme qui vient de “serendipity” - terme désormais reconnu par l'Académie Française -; il signifie “don de faire par hasard des rencontres fructueuses”.
L'interview à la volée
Cet article est le second épisode d'une série d’interviews réalisées par notre amie Marine.
Maintenant qu’on s’est mis d’accord sur le fait qu’on avait officiellement envie d’avoir toujours plus de vos nouvelles, si on revenait sur ces deniers mois avec quelques questions flash ?
- Vous savez pour nous, pauvre terriens, le réveil sonne chaque matin : à 6h30, à 7h, à 8h ou à 9h pour les chanceux. Et tous les jours, c’est pareil. Le paysage de notre chambre n’a été altéré ni par la pluie, ni par le vent. Le parquet crisse de la même manière. Mais vous, qui vous réveillez dans un décor différent tous les jours, pourriez-vous nous décrire votre réveil le plus inattendu ?
Pauline : Chaque réveil est magique. Sortir la tête de l'intérieur du bateau pour être en plein air, face à la mer, c'est extraordinaire! Les réveils les plus inattendus sont vraiment ceux au lendemain d’une navigation de nuit. Tu as navigué au GPS, dans la nuit noire…en arrivant tu ne vois pas du tout où tu plantes l’ancre. Et quand le jour se lève, c’est merveilleux: tu découvres le paysage, la couleur de l’eau, les habitations ou le côté sauvage.
Deux moments en particulier me viennent à l’esprit : le réveil à l'île de Wight (Angleterre) après être arrivés de nuit à 4h du mat' et le réveil en arrivant à Graciosa (Canaries) après une nuit sans lune. Pour ce dernier, nous sommes passés d’une vision totalement aveugle à un petit-déjeuner en tête à tête avec un volcan…
Kévin : Clairement ça été un sacré contraste d’arriver de Madère, île hyper verdoyante, à cette terre lunaire canarienne, beaucoup plus chaude, tirée tout droit de l’univers de Star Wars!
Quelle est la rencontre que vous avez faite et qui vous a le plus marqués –animale, végétale ou humaine, aujourd’hui tout ça, c’est du vivant !
Kévin : très souvent nous sommes suivis par des bandes de dauphins. Il est impossible de s’y habituer, c’est à chaque fois un cadeau. Imagine…tu es en conversation Whatsapp avec un copain et là, ce n’est pas la sonnerie de l’interphone qui te distrait, mais un banc de 10 dauphins qui débarque! On ne les comprend pas encore très bien ces copains, mais on aime les voir nager autour du bateau.
Pauline : A chaque fois, rencontrer des dauphins apporte beaucoup de douceur. Je n’ai jamais eu cette sensation avant, avec aucun animal. Eux, ils sont joueurs et s'amusent parfois une heure avec la coque du bateau! Et quelle grâce, on ne se lasse pas de les admirer.
Penser au dauphin, ce n'est sans doute pas innocent. C’est l’un des animaux les plus intelligents au monde, et il est en effet très proche de l’homme avec son sourire taquin. Alors côté humain, quelle rencontre vous a marqués ?
Pauline : Avant même d’être sur le bateau, dès la préparation du voyage, nous avons eu de superbes rencontres : les propriétaires du bateau, leur fille et son mari par exemple. Nous avons aussi mieux fait connaissance avec la marraine de Kévin et sa famille, lors de la préparation du bateau à Dunkerque. Depuis le départ, nous faisons des rencontres toutes les semaines! Il y en a une qui m'a fait beaucoup de bien, lorsque nous avions fait un arrêt forcé à Vigo en Galice pour un problème de moteur. Un seul autre bateau français était sur les pontons. Une petite tête blonde en est sortie: Caroline nous a accueillis, accompagnée de son mari François, à la retraite tous les deux. Ils nous ont invités sur leur bateau, on les a invités sur le nôtre, c'était sympa. Avec eux, nous nous sommes sentis en famille.
Kévin : beaucoup de rencontres que nous faisons donnent du corps au voyage. En plus de celle dont parlait Pauline, je pense à une autre. Arrivés à Lisbonne, nous avons rencontré un couple qui venait de se marier, Lucas et Diana. Ils nous ont préparé un excellent dîner chez eux, et nous ont aidés à découvrir la ville. Ils nous ont même envoyé du matos à Madère. Et bien sûr, il y a eu Cassio et Joana, ce couple portugo-brésilien, qui habite au Portugal dans une ferme écologique. On emporte toutes ces rencontres avec nous… elles nous inspirent pour la suite.
Et bien sûr, il y a nos rencontres avec les autres batocopains! Cela fait deux mois et demi que nous nous suivons, et la bande s'agrandit! C’est comme un village de nomades qui se balade sur l’eau.
Pauline : avec le Covid, ça donne encore plus envie de se serrer les coudes. Parmi les rencontres qui me marquent le plus, je pense souvent à celles avec d'autres couples : à ceux qui jouent la « deuxième manche » comme ils disent, soit leur seconde partie de vie une fois que les enfants partent - et à des couples avec enfants, qu'ils soient en bas âge ou adolescents. C’est inspirant pour moi car notre projet est avant tout un projet de couple.
On a vu votre bande de copains à la régate, si vous deviez donner un mot qui caractérise chacun des équipages, cela serait?
- « Délurées » pour Hisse tes Rêves, projet porté par deux étudiantes audacieuses et dynamiques,
- “Généreux” pour Khaïma (SunFizz, @le_voyage_de_khaima), la famille nantaise avec laquelle on navigue depuis la Galice <3
- « Energiques » pour Tatihou (SunFizz), une joyeuse famille originaire de la Sarthe, qui navigue avec 3 enfants entre 6 et 8 ans, en 2 temps - on pense bien à eux car ils retournent en France dans les jours prochains, et reviendront au printemps pour la seconde partie de leur voyage aux Canaries-Açores.
- « Gémellité » pour Mordicus (First 37.5, @mordicus_expedition), car c'est un couple de Parisiens auquel nous nous identifions: ils naviguent à deux et ils se marient aussi au retour de leur voyage. Nous en sommes à la même phase de vie.
- “Pêchus”, pour la joyeuse troupe des MateLowTech (Oceanis 40, @matelowtech), 5 étudiants en école d'ingénieurs à Grenoble, partis un an pour documenter plusieurs Low Tech rencontrés sur leur chemin!
En Norvège il est dit que « seul celui qui erre trouve de nouveaux chemins. » Quelle a été l’errance qui vous a ouvert de nouveaux chemins ?
Pauline : Tous les lieux dans lesquels nous nous rendons sans avoir d’attente sont des errances. Nous allons à un endroit parce-que nous devons faire un test Covid, à un autre car ça permet de couper la route, et souvent, de très belles surprises nous attendent! La Galice était une vraie découverte! Nous avons décidé d’y rester deux ou trois semaines, ce qui n’était pas du tout prévu.
Nous avons pris le temps d'errer dans ces immenses baies, dans les forêts de pins, d'eucalyptus, et de partir à la découverte de ces petites îles inconnues.. A la Graciosa, aussi, nous nous sommes laissé le temps finalement. L’errance, c’est finalement prendre le temps de se laisser charmer par des petites îles où il fait bon vivre.
Kévin : je pense aussi aux pannes vécues, au niveau du moteur notamment. Elles nous ouvrent souvent la porte à de chouettes rencontres. L'inattendu nous donne au final une plus grande confiance dans le bateau, car nous le fiabilisons peu à peu. Par ailleurs, vivre cela nous fait prendre conscience de nos réflexes à terre. Nous réalisons que nos grands parents vivaient comme nous aujourd’hui, sur le bateau. Le presse-purée ne fonctionnait pas? Il fallait le retaper le dimanche pour avoir de la purée. Cela prend du temps. C’est lourd, en réalité, de prendre ce temps, car on n'a plus l'habitude. On se rend compte à quel point on peut être hors-sol dans nos vies quotidiennes, on ne sait plus faire seul. Quand il y a un souci, en général, soit on rachète du neuf, soit on fait appel à quelqu’un. On ne sait plus réparer les choses par nous-mêmes, et il faut dire que c'est devenu tellement complexe de se procurer des pièces détachées…parfois il est même plus économique de se débarrasser de l'ancien que de chercher à le réparer!
Quand tu es en mer, sans internet, tu n’as pas Youtube pour te sortir de la panade. Si tu as 100 litres dans les fonds du bateau, tu te demandes si tu coules, et t’as pas ton tuto vidéo à disposition. Alors tu gouttes l’eau, pour voir si elle est salée ou douce, puis tu prends une pompe pour évacuer. Parfois, c'est bouché. Puis tu cherches la source de la fuite… Nous réalisons par ces errances à quel point nous sommes assistés en permanence, dans nos vies de terriens.
« Voyager c’est découvrir que tout le monde se trompe sur les autres pays. » Sur quoi pensez-vous qu’on se trompe le plus concernant l’un des pays visités (Royaume-Uni, Portugal, Espagne) ?
Kévin : le pinard portugais je ne connaissais pas, il est super bon et pas très cher. On se trompe sur la qualité de ces vins-là. Si j'avais été dans un supermarché français je serais passé devant, c’est sûr !
Pauline : on se trompe en assimilant l’Espagne au Portugal sur la langue aussi par exemple ; le portugais est une langue très différente, on y entend des sonorités presque roumaines ou asiatiques parfois (le fameux son “ão”, très nasal, par exemple).
Vous êtes partis tous les deux en passant de pays en pays, vous avez désormais bientôt vécu autant de temps en dehors de France qu’en France cette année. Vous sentez-vous un peu « expat » ?
Kévin & Pauline (sans hésitation aucune) : Carrément, nous nous sentons expat !
Kévin : Pour l’avoir été dans le passé je vois vraiment des ressemblances. Plus tu passes de temps à l’étranger, plus tu crées des relations avec une communauté qui te ressemble, une communauté où l’on s’invite et l’on s’entraide, en s’offrant des petits pains ou en réparant un panneau solaire.
Pauline : Cette expérience permet de mieux comprendre aussi pourquoi des gens se regroupent quand ils sont en exil, forcé ou volontaire Nous avons besoin d’être avec nos semblables, c’est hyper précieux. C’est comme à la maison, de se retrouver ainsi. Avant de partir, nous avions un peu peur d'être uniquement tous les deux, même si on s’aime beaucoup évidemment. Au final, on passe beaucoup plus de temps à s'inviter les uns les autres qu'à dîner tranquillement sur notre bateau! C'est formidable de pouvoir partager ces moments avec d'autres équipages.
Et bien merci à vous, merci d’avoir partagé avec le village mondial de l’internet ces quelques confidences, hasta la proxima !
Merci Marine!
4 Commentaire(s)
Merci pour toutes ces nouvelles ! Vous nous faites rêver dans cette période de Covid si particulière . Nous vous embrassons
17/11/2020 RépondreQuel projet partagé et mis en commun avec tant d’explications et d’illustrations gaies et variées Merci et bonne pérégrination vers l’Avent
17/11/2020 RépondreÇa fait plaisir de voir que vous n êtes pas partis pour fuir mais pour rencontrer Je que j ai préféré:les réveils étonnants Bon vent
20/11/2020 Répondre